CET : qui est avantagé ?

Essentiel

Le tableau des entreprises gagnantes et des entreprises perdantes est contrasté : le secteur industriel apparaît comme le principal bénéficiaire de la réforme au détriment des prestataires de services.

Une mission parlementaire d’information sur les conséquences pour les collectivités territoriales, l’État et les entreprises de la suppression de la taxe professionnelle (TP) et de son remplacement par la contribution économique territoriale (CET) a été constituée le 6 juillet 2011.

Par la voix de son rapporteur, le sénateur Charles Guené, elle a rendu ses conclusions à la présidence du Sénat le 26 juin 2012.

Son rapport de près de 280 pages trace notamment une cartographie des entreprises avantagées à la suite de ce  changement et de celles qui ne l’ont pas été.

Selon ce rapport :

La réforme de la taxe professionnelle a eu pour effet un allégement des charges de fiscalité globale des  entreprises, dont l’appréciation doit toutefois être modérée par la prise en compte des hausses intervenues par ailleurs sur la fiscalité des entreprises et des difficultés techniques accompagnant la réforme.

Une analyse plus précise permet de distinguer le secteur industriel, qui apparaît comme le principal bénéficiaire de la réforme, conformément aux objectifs initiaux de celle-ci.

En revanche, les entreprises de prestations de services ont, dans leur grande majorité, vu leur contribution économique augmenter, dans des proportions parfois importantes.

Un allégement fiscal global pour les entreprises

Selon le chiffrage fourni par le Gouvernement, l’allégement fiscal des entreprises se situe dans une fourchette  comprise entre 7,5 milliards d’euros, selon le ministère de l’économie, et 8,2 milliards d’euros, selon le ministère de l’industrie.

Cette économie représente la différence entre la charge que les entreprises auraient dû supporter si la taxe professionnelle était toujours en vigueur et l’impôt effectivement acquitté dans le cadre de la contribution économique territoriale.

Selon Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances du Sénat, 3,3 millions d’entreprises – soit près de 3,96 millions d’établissements – ont été redevables de la CFE en 2010. Le montant des émissions du rôle général de CFE, frais de gestion compris, s’établit à plus de 6,3 milliards d’euros et, en intégrant les taxes de financement des chambres consulaires, ce montant atteint environ 8 milliards d’euros.

En outre, 954 000 entreprises ont déposé une déclaration de CVAE et 149 000 ont effectivement acquitté cet impôt. Les recouvrements de CVAE en 2010 se sont élevés à 10,35 milliards d’euros.

Une large majorité de gagnants

Environ 60 % des entreprises (soit environ 2 millions d’entreprises) sont gagnantes. Un chiffre qui, selon François Baroin, alors ministre de l’économie, des finances et de l’industrie, atteint 86 % pour celles dont le chiffre d’affaires est compris entre 250 000 et 500 000 euros.

Environ 20 % (845 000 entreprises, avec quelques nuances, selon le Gouvernement) sont perdantes.

Les 20 % d’entreprises restantes voient leurs contributions stables.

Ces données sont confirmées par une enquête interne du Medef qui évalue à 61 % la proportion d’entreprises gagnantes, à 27 % celle d’entreprises perdantes et à 12 % celle des situations stables.

On rappellera toutefois que les estimations initiales du Gouvernement évaluaient à environ 129 000 le nombre d’entreprises dont la charge fiscale devait augmenter.

Or, le nombre d’entreprises perdantes s’élevant finalement à 800 000, force est de constater que les évaluations initiales se sont révélées trop optimistes. Le rapporteur estime que l’augmentation du nombre d’entreprises perdantes peut également s’expliquer par les effets de la cotisation minimale de la CET qui ne pouvaient être anticipés au moment des évaluations, puisque relevant de décisions locales.

En revanche, le Gouvernement estimait à 1,1 million le nombre d’entreprises bénéficiaires de cet allégement, alors qu’on évalue leur nombre à 2 millions.

Des écarts de taxation très variables

Le gain moyen par entreprise « gagnante » est évalué à 4 080 euros, soit sept fois supérieur à la perte moyenne de 604 euros des entreprises considérées comme « perdantes ». François Moutot, directeur général de l’Assemblée permanente des chambres de métiers et de l’artisanat (APCMA), a rappelé que, si la hausse de la CET apparaît peu élevée en euros, elle peut, en revanche, en pourcentage, dépasser 100, 200, voire 300 %. Selon Marie-Christine Coisne, présidente de la commission « fiscalité des entreprises » du Medef, « 38 % des entreprises perdantes subissent une augmentation d’impôt inférieure à 10 % et les autres 62 % se partagent équitablement entre 10, 20, 30 et 50 % d’augmentation, parfois 100 % ». Mme Coisne a par ailleurs précisé que, parmi les entreprises gagnantes, 30 % d’entre elles enregistrent moins de 10 % de réduction d’impôt, 25 % entre 30 et 50 % de réduction et 15 % entre 10 et 20 %.

Des contrastes marqués entre les secteurs d’activité

Le tableau en page 15 présente, par secteur d’activité, d’une part, la proportion d’entreprises gagnantes, perdantes et celles dont l’impact de la contribution économique est stable, d’autre part, la baisse de l’impôt économique territorial en pourcentage et en montant dans chaque secteur.

En conclusion

Deux conclusions générales se dégagent de la lecture du tableau en page 15 :

- d’une part, on constate, pour l’ensemble des secteurs d’activité, que la proportion de 60 % d’entreprises gagnantes à la suite de la réforme de la taxe professionnelle est très supérieure à celle des entreprises perdantes ; ces dernières représentant, en moyenne, 25 % des entreprises.

On dénombre toutefois des secteurs d’activité pour lesquels la proportion d’entreprises perdantes est très importante, tels que les industries agricoles et alimentaires (37 %), les activités financières (35 %) et les activités immobilières (37 %) ;

- d’autre part, l’allégement de la fiscalité économique se concentre sur quelques secteurs : les industries des biens intermédiaires (avec une baisse de cotisation de 965 millions d’euros), le commerce (958 millions d’euros), les services aux entreprises (1 161 millions d’euros) et l’éducation, la santé et l’action sociale (dont la baisse de cotisation s’élève à 724 millions d’euros).

Répartition des gagnants et des perdants par secteur d’activité

Secteurs

d’activité

Gagnants

Stables

Perdants

Baisse de la cotisation

dans le secteur

Part du gain

sur le total

tous secteurs

confondus

 

En %

En %

En %

En millions

d’euros

En %

En %

Agriculture,

sylviculture,

pêche

63

15

22

- 109

- 62

1

Industries

agricoles

et alimentaires

59

4

37

- 364

- 34

5

Industrie

des biens de

consommation

40

28

32

- 244

-  25

3

Industrie

automobile

74

5

21

- 120

- 24

2

Industrie

des biens

d’équipement

62

13

25

- 289

- 28

4

Industrie

des biens

intermédiaires

63

16

21

- 965

-  36

13

Énergie

64

5

30

- 388

- 22

5

Construction

41

29

30

- 724

- 46

10

Commerce

63

10

26

- 958

- 23

13

Transports

51

31

17

- 502

- 31

7

Activités

financières

60

5

35

- 4

0

0

Activités

immobilières

55

8

37

- 110

- 24

1

Services aux

entreprises

61

14

25

- 1 161

- 22

15

Services aux

particuliers

52

18

30

- 453

- 37

6

Éducation,

santé, action

sociale

88

6

6

- 724

- 62

10

Administration

66

6

28

- 11

- 24

0

Inconnu

70

9

21

- 376

- 27

5

Total

60

14

25

7 502

28

100

Pour aller plus loin

Mise en place de la CET

L'article 2 de la loi de finances pour 2010 a supprimé la taxe professionnelle et l'a remplacée par une nouvelle imposition, la contribution économique territoriale (CET) composée de deux cotisations :
- la cotisation foncière des entreprises (CFE) ;
- la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE)

Effets attendus de la réforme

Selon le Gouvernement, la réforme de la taxe professionnelle avait pour objectif prioritaire de redynamiser la compétitivité industrielle de la France.
D'après le rapport de l'Inspection générale des finances (IGF) et de l'Inspection générale de l'administration (IGA), publié en mai 2010, trois conséquences majeurs étaient attendues de la réforme de la taxe professionnelle :
- une aide au secteur industriel, par la diminution de la charge fiscale ;
- un effet positif sur les relocalisations d'entreprises ;
- un soutien à l'emploi.

Rentabilité de la taxe professionnelle

Dès sa création, en 1975, jusqu'à sa suppression en 2010, la taxe professionnelle a constitué la ressource fiscale la plus importante des collectivités territoriales.
En 2009, elle représentait 30,3 milliards d'euros, soit 43,7 % du total des quatre taxes directes locales. Les entreprises contribuaient pour 26,4 milliards d'euros à ce montant, le reste était compensé par l'Etat.

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